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Deux graines et nous
21 mai 2013

Pas grave

Au lendemain d'Archachon, Chérie et moi-même faisons route à part pour la matinée; je pars rejoindre mon stagiaire le matin tandis qu'elle profite encore un peu de l'hôtel. Nous nous retrouverons l'après-midi pour le fameux entretien avec notre neuropédiatre, une sommité qui pourra enfin nous dire ce qu'il se passe dans la caboche miniature de notre petite graine. Je passerai entre-temps par le futur ex-Virgin de Bordeaux, acheter un dernier livre dans un magasin vidé par une tornade de fous-furieux... Tant et si bien que des feuilles blanches sont scotchées partout, et portent la mention manuscrite " plus de soldes, faute à l'ouragan gros-chacal ! ". Mon regard accroche celui d'un vendeur qui se sait condamné, et qui reste à son poste malgré tout.
Ambiance.

Au début de l'après-midi, je me retrouve posé dans le hall du bâtiment dédié à l'hospitalisation des enfants. Je souris en me remémorant cette fois, où, en Septembre dernier et bien loin de me douter que j'allais être père, j'ai erré dans cet énorme complexe médical à la recherche d'une faculté de médecine pour rendre un service à Chérie. Si l'on m'avait alors dit que je serai obligé de revenir et dans quelles conditions, j'aurai bien ri.

Cette fois, cependant, c'est beaucoup plus sérieux. Je me présente donc dans ce hall d'hôpital, où j'attends dans une atmosphère colorée, pleine de vert, de rouge, de jaune et de formes arrondies. Cela se veut gai, mais un hôpital reste toujours un hôpital, quoi que l'on y fasse. Chérie arrive vite et nous passons peu après dans un autre partie du complexe, cette fois dévolue à la neuropédiatrie. Là où l'on retrouve tout ces cas de mômes malchanceux, dont la seule faute est de ne pas avoir poussé correctement.

L'atmosphère est tendue. Magré ses nombreuses relances, Chérie n'a pas eu un mot de la part du médecin qui devait analyser les IRMs, et elle est particulièrement sur les nerfs. Elle l'a traqué partout, dans tout ses lieux de travail, pendant des jours, mais rien à faire. A chaque fois l'homme n'était plus là ou indisponible. En attendant, nous n'avons pas les documents pour ce rendez-vous crucial, et il est maintenant imminent.

Dans la salle d'attente, les minutes passent, ainsi que les enfants porteurs de problèmes. Je sens une appréhension monter en imaginant que cela pourrait être nous, et notre enfant, à la place de ces malchanceux. Je ne peux m'empêcher d'être triste pour ces gamins, et cela ne fait que s'ajouter à mon agacement. Les jours d'inquiétude commençent à peser même sur ma nature plutôt posée. Ce qui n'arrange rien, c'est que le médecin se fait attendre et voir tout ces parents être appelés les uns après les autres alors que nous restons rivés sur les sièges de la salle d'attente devient réellement agaçant.

Après une longue attente et un retard prononcé, nous sommes enfin reçus dans un petit bureau dénudé. Une table, des chaises, une petite armoire. Rien de décoratif. Vraisemblablement un endroit de passage, où nous sommes accueillis par deux hommes d'un certain âge qui se révèlent être le neuro-pédiatre et un collègue étranger. Après quelques blagues pour détendre l'atmosphère et montrer que nous ne sommes pas non plus hystériques – justes épuisés -, le médecin commence avec une première révélation : Les fameux documents que Chérie voulait avoir depuis des jours, étaient directement passés d'un médecin à un autre, et se trouvent donc en sa possession. Ce sont ces mêmes documents qui sont à présent scrutés par le neuropédiatre, avec le flegme et une pointe de manque d'intérêt dans son expression façiale qui me renvoient à mes entretiens d'embauche. Je croise les doigts très fort dans ma poche, j'imagine que Chérie doit faire de même dans les siennes.

Puis le neuropédiatre relève la tête, l'air blasé, visiblement peu remué par ce qu'il a vu. Il nous annonce que, oui, il y a bien un soucis ( d'environ 17 mm ), mais que ce n'est pas grave. Rien d'inquiétant, vraiment, et au pire, rien qu'une petite opération ne pourra pas réparer. Un petit "spaghetti pour aspirer l'excédent de fluide" et c'est tout.

Voilà, c'est tout. Ainsi se terminent des mois de questions et d'inquiétude.

Je cligne des yeux comme lorsque l'on m'a annoncé la fin de mon propre traitement contre une vieille maladie... Après des mois passés à nous inquiéter, à aller ici, nous rendre là, passer je ne sais combien d'examens, le verdict est donc : « pas grave » et c'est fini. Etrange sensation, la même que ressentirait un marathonien brusquement arrêté sur place alors qu'il court depuis des dizaines de kilomètres.

Pas grave.

Bon, bah alors, on s'en va hein.

Chérie désirera quand même passer par le service des urgences prénatales dans un bâtiment à côté, pour vérifier que tout va bien car son bassin lui fait réellement mal. Une petite visite qui durera bien plus que prévu, en réalité. Chérie est installée sur un lit dans une salle d'urgence, pas très loin d'une autre dame allongée là pour la même raison qu'elle. Le monitoring dure, s'éternise. Ma petite femme doit cliquer sur une manette en fonction de ses contractions; je n'ai rien à faire, et suis mort de fatigue et affamé.

Finalement, deux heures plus tard, Chérie est relâchée car tout va bien; on ne peut pas en dire autant que notre voisine de salle d'urgence, qui après monitoring apprendra, pas très loin de nous, que son bébé est mort in utero. Le genre d'évènement qui rappelle avec violence à quel point nous avons eu de la chance jusqu'à maintenant.

Dernière ligne droite, donc. Fini les examens en tout sens, le trucs et les machins. J& et J2 seront les bienvenus en ce monde, et il ne reste plus beaucoup de jours avant leur grande arrivée.

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